Je ne sais si l'affreux, le déplorable spectacle d'un vaisseau battu par la tempête, frappé de la foudre brisé contre un rocher, englouti dans l'océan, dont tout l'équipage périt, excepté trois hommes qui voyent bientôt le plus jeune d'entre eux expirer sur le rivage en baisant le portrait de sa maîtresse, je ne sais, dis-je, si ce grand et terrible désastre peut fournir la matière d'un poëme en trois chants, et qui contient près de trois mille vers; mais le poëme du Naufrage (the Shipwreck) a plutôt harcelé, fatigué ma sensibilité qu'elle ne l'a profondément émue : l'ouvrage eût gagné, je crois, à être plus court et en vers non rimés; et je dirai, comme l'auteur, Falconer: But ah! the force of numbers strives in vain. FALCONER, the shipwreck, canto 3 * Mais, hélas ! la force des vers lutte vainement, incapable de soutenir la scène ardente et terrible! LE Voyageur (the Traveller), et le Village abandonné (the deserted Village), sont deux poëmes estimés et toujours relus. On trouve, dans le dernier surtout, cet intérêt doux et touchant que sait si bien inspirer l'auteur du vicaire de Wakefield, Goldsmith ; mais ils tiennent au genre narratif plutôt qu'à la poésie descriptive. Ily a aussi, en anglais, plusieurs morceaux de poésie moins étendus qui contiennent des descriptions charmantes, tels que la Colline de Grongar (Grongar hill), par Dyer, et la Colline de Cooper (Cooper's hill), par Denham. OH! COME, blest spirit, whatsoe'er thou art, Thou rushing warmth that hover'st round my heart! Sweet inmate, hail ! thou source of sterling joy, That poverty itself cannot destroy,* *O viens, esprit bienheureux, qui que tu sois, toi, chaleur pénétrante, qui planes autour de mon coeur ! hote aimable, salut ! toi, source d'une joie sterling, que la pauvreté elle-même ne peut détruire! Be thou my muse, and faithful still to me, No deeds of arms my humble lines rehearse; And lead sois ma muse, et fidèle à mes vœux, retrace les sentiers de la sauvage obscurité ; nuls faits d'armes mes humbles lignes ne veulent cẻlébrer; les merveilles des Alpes ne tonnent point dans mes vers. La cataracte rugissante, la colline au sommet de neige, inspirant une terreur admirative qui suspend la respiration, les plus sublimes scènes de la nature ne charmèrent jamais mes yeux; la science ne me conduit point à travers l'immensité des cieux ; d'objets plus humbles découlent mes ravissemens. For all the blessings of my infant days! Bear me through regions where gay fancy dwells, But mould to truth's fair form what memory tells.* BLOOMFIELD, spring. Ainsi chantait, à dix - sept ans, dans le fond d'une chétive boutique, un pauvre garçon cordonnier Bloomfield. nommé Ce fut vers la fin du siècle dont nous sortons, que parut ce phénomène littéraire. Bloomfield avait à peine lu quelques vers dans les journaux, lorsque les saisons de Thomson tombèrent entre ses mains saisi d'un enthousiasme poétique, il composa un poëme intitulé : the Farmer's boy, (le Garçon de ferme), où les quatre saisons forment aussi quatre chants, * pour tous les bonheurs des jours de mon enfance ! Porte-moi à travers ces régions où l'imagination habite; mais modèle sur les belles formes de la vérité ce que la mémoire redit. Londres lut avec étonnement des vers élégans, harmonieux, pittoresques, pleins d'expressions heureuses, de pensées brillantes, de sentimens nobles, composés par un jeune homme entouré de cinq ou six autres artisans, dans un misérable grenier. Quoique rimé, ce poëme a le mode et le rythme de la poésie non rimée. C'est, avec moins de mérite cependant, le faire de Pope mêlé à celui de Thomson. |