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Sa première satire, adressée au docteur Arbuthnot, et qui sert de prologue aux autres, est bien connue par l'excellente traduction en vers de Delille, qui a su rendre avec autant de goût que de fidélité, ce passage contre le lord Hervey, ce passage si amèrement, si injustement critiqué par Voltaire (1). Voltaire dégrade, en effet, cette tirade en la traduisant littéralement et dans les expressions les plus triviales; mais Delille a justifié Pope et prouvé que le charme du style peut tout embellir.

Pope a imité trois satires d'Horace, ou plutôt il les a adaptées à la littérature et aux littérateurs de son pays. II les a rendu originales. Il a de même reversifié deux satires de Donne; enfin, pour épilogue à ses satires, il en a fait deux dialoguées à la manière d'Horace.

(1) Mélanges littéraires, parallèle d'Horace, de Boileau et de Pope, édition de Kelh, in-8°., tome 47, page 317.

Tous ces ouvrages brillent d'esprit et de grâces. Il faut les lire en entier.

ON s'attend, peut-être, à retrouver dans les satires d'Young le génie sombre et mélancolique de l'auteur des nuits. On est détrompé en les lisant. Les sept satires qu'il publia sous le titre général de la Passion universelle ou l'Amour de la gloire, sont une série d'épigrammes. Laissons parler Johnson : Young

» visait, dit-il, à frapper des distiques, » à éguiser des sentences; mais ses distiques ont le poids d'un jugement solide; ses sentences, le piquant » d'une vérité irrésistible. »

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Ses caractères sont choisis avec » discernement, dessinés avec délica» tesse; ses exemples sont souvent heu» reux; ses réflexions souvent justes. » Son genre tient le milieu entre Ho» race et Juvénal. Il a la gaieté du

premier sans la négligence de sa ver»sification, et la moralité de l'autre » avec plus de variété dans les peintures.

» Il ne joue, il est vrai, que sur la sur» face de la vie, et ne pénètre jamais » dans les replis du cœur ; aussi le

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pouvoir de sa poésie est épuisé à la première lecture; ses saillies ne plai» sent que quand elles surprennent. » Deux des satires d'Young sont contre les femmes. Choisissant les traits les plus. saillans de chacune, j'en ai essayé la traduction.

JOHNSON, qui vient de caractériser si bien les satires d'Young, en a luimême composé une; une seule; mais, des ouvrages de ce genre, c'est peutêtre le plus parfait. Elle est intitulée, London, Londres, et ce titre annonce qu'il attaque les vices, les ridicules de cette capitale. L'auteur s'est armé contre ses compatriotes, du vers sanglant de Juvénal. Son style est noble et vigoureux, sa versification est sage et généreuse; point d'injures grossières à de plats auteurs, point de personnalités jalouses contre des rivaux ou des

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ennemis son pinceau fidèle, quoiqu'un peu rembruni, trace hardiment une peinture générale des mœurs et des caractères jamais la satire n'eut un but plus noble, une exécution plus brillante.

Je viens de la relire et la trouve trop courte. Pour en citer les beautés, il faudrait la transcrire en entier. Je me borne à ce passage que je n'ai point choisi :

Others, with softer smiles, and subtler art,
Can sap the principles, or taint the heart;
With more address a lover's note convey,
Or bribe a virgin's innocence away.

Well may they rise, while I, whose rustic tongue*

* D'autres, avec de plus doux sourires et un art plus subtil,

sapent les principes ou corrompent le cœur ;

remettent avec adresse la lettre d'un amant,

corrompent à force d'or l'innocence d'une vierge.

Qu'ils s'élèvent ainsi, tandis que moi, dont la langue rustique

Ne'er knew to puzzle right, or varnish wrong,
Spurn'd as a beggar, dreaded as a spy
Live unregarded, unlamented die.

JOHNSON, London a satire.

Enfin, négligeant quelques satires isolées, faites par divers auteurs, je dois dire un mot de celle du docteur Brown, occasionnée par la mort de Pope.

C'est un Essai sur la satire, divisé en trois parties : la première traite de l'objet et de l'utilité de la satire; la seconde en donne les règles; la troisième contient l'histoire des auteurs satiriques, et caractérise, tour à tour Lucilius, Horace, Perse, Juvénal, Erasme, Donne, Dryden, Boileau et Pope.

ne sut jamais altérer le droit ou vernir le tort, repoussé comme un mendiant, redouté comme

espion,

je vis sans être considéré, et meurs sans être plaint.

un

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