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Encore ces rimes, toutes bizarres qu'elles nous paraissent, sont ce que les anglais appellent des rimes parfaites. Il en est d'autres qu'ils nomment rimes tolérées, allowable rhymes:

bad est la rime tolérée de bade.

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quoique la prononciation soit absolument différente et presque opposée. D'après cette liberté de rimer, on juge bien que l'anglais ne s'est pas asservi à l'obligation d'alterner les rimes

masculines et féminines, puisque l'e muet, qui, chez nous, constitue la rime féminine, est nul à ses yeux. Il ignore cet alternat si gênant pour les traducteurs, qui, quelquefois, a obligé Delille lui-même de mettre deux vers de plus que l'original.

Il a cependant uhe espèce de rime féminine, si l'on peut appeler ainsi une syllabe surabondante à la fin du vers; c'est ce qu'il nomme une double rime :

And he who, now to sense, now non-sense leaning Means not, but blunders round about a meaning.*

POPE, prologue to the satyres.

La rime est ici entre lean et mean; la finale ing est surabondante dans les deux

vers.

For poets, law makes no provision, **

*Et celui qui, penché tantôt vers le bon

vers la sottise,

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n'exprime rien, mais divague autour d'une expression.

** Pour vous, poëtes, la loi ne fait point de provision;

The wealthy have you in derision;
Of state affairs you cannot smatter,
Are awkward when you try to flatter. *

SWIFT, a rapsody on poetry.

Dans ces quatre vers, la rime est aux avant - dernières syllabes; ce qui n'empêche pas que les dernières ne doivent rimer aussi.

Il y a même des triples rimes, c'està-dire, des vers où les trois dernières syllabes du premier riment avec les trois dernières du second:

In ancient times, as story tells,

The saints would often leave their cells
And stroll about, but hide their quality
To try good people's hospitality. *

SWIFT, Baucis and Philemon.

les riches vous ont en dérision.

Vous ne pouvez même approcher des affaires d'état ; et vous êtes maladroits quand vous voulez flatter.

** Dans les anciens tems, comme dit l'histoire,
les saints quittaient souvent leurs cellules,
pour courir le pays, cachant leur qualité,
afin d'éprouver l'hospitalité des bonnes gens.

Dans les deux derniers vers,

la rime

porte sur qua et ta; les deux syllabes lity sont de trop de part et d'autre.

Swift, le plus original, le plus facétieux des poëtes anglais, s'est beaucoup égayé dans ce genre. Voici quelques vers d'une petite pièce toute entière en triples rimes.

TO DOCTOR SHERIDAN.

Whate'er your predecessors taught us
I have a great esteem for Plautus;

And think your boys may gather there hence
More wit and humour than from Terence.
But as to comic Aristophanes

The rogue too vicious and too prophane is.

And now I find my muse but ill able*

* Quelque chose que vos prédécesseurs nous ayent

apprise,

j'ai une grande estime pour Plaute,

et je pense que vos écoliers pourraient en tirer

plus d'esprit et de gaieté que de Terence.

Mais quant au comique Aristophane,

le coquin est trop vicieux et trop prophane.

Maintenant je trouve ma muse très-peu capable

To hold out longer in trissillable;

I chose those rhymes out for their difficulty;
Will you return as hard ones if I call t'ye?*

SWIFT.

Vous croyez peut-être que la double rime régnant sur deux syllabes, doit être très-gênante; elle ne l'est point, et c'est une chose assez curieuse que la manière dont l'anglais conserve encore sa liberté dans les entraves qu'il se donne lui-même.

En effet, souvent rien ne rime dans ces prétendues doubles rimes. En voici quelques-unes que j'ai recueillies au hazard:

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* de parler plus long-tems en trissyllabes J'ai choisi ces rimes pour leur difficulté ;

m'en renverrez-vous d'aussi difficiles, si je vous le demande ?

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