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XXII.

REPLIQUE A LA ROYNE DE NAVARRE.

MES creanciers, qui de dizains n'ont cure,
Ont leu le vostre et sur ce leur ay dict,
Sire Michel, sire Bonadventure,

La sœur du roy a pour moy faict ce dict:
Lors eulx cuydans que fusse en grand credict,
M'ont appelé monsieur à cry, et cor:
Et m'a valu vostre escript autant qu'or :
Car promis ont, non seulement d'attendre,
Mais d'en prester (foy de marchant) encor:
Et j'ay promis (foy de Clement) d'en prendre.

XXIII.

DU RYS DE MADAME D'ALLEBRET.

ELLE a tresbien ceste gorge d'albastre,

Ce doulx parler, ce clair tainct, ces beaulx yeulx: Mais en effect, ce petit rys folastre,

C'est à mon gré ce qui luy sied le mieulx :

Elle en pourroit les chemins et les lieux

Ou elle passe, à plaisir inciter.
Et si ennuy me venoit contrister,

Que l'argent deu par vous, en conscience:
Car estimer on peult l'argent au poix,
Mais on ne peult (et j'en donne ma voix)
Assez priser vostre belle science.

1

Tant que par mort fust ma vie abbatue,
Il ne fauldroit pour me resusciter,
Que ce rys là duquel elle me tue.

XXIV.

DE LA DUCHÉ d'Estampes.

CE plaisant val l'on nommoit Tempé'

que

Dont mainte histoire est encor embellie,
Arrousé d'eaux si doulx, si attrempé,
Sçachez que plus il n'est en Thessalie:
Juppiter roy, qui les cueurs gaigne, et lie,
L'a de Thessalle en France remué,

Et quelque peu son nom propre mué :

Car pour Tempé, veult qu'Estampes s'appelle : 2 Ainsi luy plaist, ainsi l'a situé,

Pour y loger de France la plus belle. 3

3

1 Tempe, vallée de la Thessalie, située entre l'Olympe et l'Ossa, et arrosée par le fleuve Pénée. Les poètes de l'antiquité ont souvent célébré cette délicieuse contrée où l'âge d'or semblait s'être réfugié. Aujourd'hui on chercherait en vain, dans ces beaux lieux, des habitans libres et heureux; on n'y rencontre plus que l'esclavage ou la solitude.

2

O sommets de Taygète! ô rives du Penée!

De la sombre Tempé vallons délicieux !

O campagnes d'Athène! ô Grèce infortunée!

Où sont pour t'affranchir tes guerriers et tes dieux ?

« Une allusion juste, amenée par la ressemblance des noms, est dans le style une grâce de plus, surtout dans l'épigramme.

MARMONTEL.

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3 Anne de Pisseleu, duchesse d'Étampes. Voyez les Étrennes x etxi.

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CELLE qui porte un front clair et serain,
Semblant un ciel, ou deux planettes luysent:
En entretien, grace, et port souverain,
Les autres passe autant qu'argent l'erain,
Et tous ces poinctz à l'honnorer m'induisent;
Les escrivans qui ses vertus deduisent,
La nomment tous madame de l'Estrange,
Mais veu la forme, et la beauté qu'elle a,
Je vous supply, compaignons, nommez la
Doresnavant, madame qui est ange.

XXVI.

DE MADAMOYSELLE DU PIN.

L'ARBRE du pin tous les autres surpasse,
Car il ne croist jamais en terre basse

Mais sur haultz montz sa racine se forme,
Qui en croissant prend si tresbelle forme
Que par forestz, ou aucun autre endroict
On ne sçauroit trouver arbre plus droict.

Qui touchera son escorce polie,
Pour ce jour là n'aura melancolie:

1 Marot adresse aussi l'Étrenne xvi à cette dame.

1

Au chef du pin sont feuilles verdoyantes,
Et à son pied fontaines undoyantes.

Son boys est bon, ou couppé, ou entier :
S'il est couppé hors de son beau sentier,
On en fera ou navire, ou gallee
Pour naviger dessus la mer sallee :
Et s'on le laisse en la terre croissant,
Il deviendra fertile et fleurissant,
Et produira une tresbelle pomme,

Pour substenter le triste cueur de l'homme.
Par ainsi donc en terre, et sur la mer
Ton noble cueur le pin doibt estimer.

XXVII.

DE MADAMOYSELLE DE LA CHAPELLE. I

2

:

LA Chapelle, qui est bastie et consacree
Pour le lieu d'oraison, à Dieu plaist et aggree:
De contrebas, et hault, la Chapelle fournie,
Avec taille, et dessus, est tresbelle armonie 3
La chapelle ou se font eaux odoriferantes,
Donne par ses liqueurs guerisons differentes :
Mais toy Chapelle vive, estant de beauté pleine,
Tu ne fais que donner à tes serviteurs peine.

I Nous avons déjà vu l'Étrenne xxxı adressée à cette dame.

2 La Sainte-Chapelle de Paris.

3 Marot veut sans doute parler de la musique de la chapelle du roi. Il est difficile de trouver un autre sens à ces deux vers.

XXVIII.

1

A MADAMOYSELLE DE LA ROUE.

PAINCTRES expers, vostre façon commune
Changer vous fault, plus tost huy que demain,
Ne paignez plus une roue à Fortune,
Elle a d'amour pris le dard inhumain :
Amour aussi a pris la roue en main,
Et des mortelz par ce moyen se joue :
O l'homme heureux, qui de l'enfant humain
Sera poulsé au dessus de la roue.

XXIX.

DE LADICTE DAMOYSELLE.

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L'AUTRE jour aux champs tout fasché
Vey un voleur se lamentant,

Dessus une roue attaché.

Si luy ay dict en m'arrestant :

Ton mal (povre homme) est bien distant
Du tourment qui mon cueur empestre :
Car tu meurs sur la roue estant,

Et je meurs que je n'y puis estre.

2

« Quoiqu'un jeu de mots ne soit jamais qu'un badinage assez » frivole, il me semble que dans l'épigramme il est permis plus » que partout ailleurs, surtout s'il est aussi joliment employé que » dans celle-ci. » MARMONTEL.

2 Ce discours était en effet bien consolant pour un pauvre pa

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