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la permission de me jeter à vos genoux, et d'y implorer mon pardon et votre bénédiction.

J'espère, mon cher père, vous convaincre que toute mauvaise qu'a été (1) ma conduite, c'est l'effet de l'erreur plutôt que celui du vice. J'espère que par une continuation de bonne conduite je parviendrai à reprendre dans votre cœur la place que j'y occupais autrefois (2), et que je tâcherai, par tous mes efforts, de regagner.

Votre malheureux fils, mais plein d'affection pour vous. P. S. Écrivez-moi, je vous en supplie, quelques mots pour me dire que vous me recevrez encore sous le toit paternel.

LETTRE L.

Réponse du père.

Mon cher Jacques,

Dimanche, 14 sept. 1842.

Comme je me suis toujours montré un père tendre, et que vous avez été jusqu'à présent un fils obéissant et affectionné, je suis extrêmement étonné de votre conduite, en quittant ainsi la maison paternelle. Vous me dites que vous avez quelque chose à me dire qui palliera votre faute; je serai bien aise de vous entendre, et serai charmé si je trouve que votre conduite admet quelque excuse (3). Vous avez, dites

(1) Toute mauvaise qu'a été ma conduite, et jamais qu'ait été. Quelque, en place de tout ou toute, exigerait le subjonctif. Ex. Quelque mauvaise qu’sit ÉTÉ ma conduite.

(2) Autrefois, adv., dans le sens de jadis (formerly), s'écrit toujours en un seul mot; en deux mots dans l'exemple suivant: UNE fois il est de bonne humeur, d'auTRES fois il gronde toute la journée.

(3) Si je trouve que votre conduite admet...; le verbe trouver ne demande pas que le verbe suivant soit mis au subjonctif. Le verbe désirer l'exigerait. Ex. Je désire que votre conduite soir... La négation accompagnant le verbe trouver ou tout autre exigerait le second verbe au subjonctif. Ex. Je ne trouve pas que votre conduite puisse, etc.

left us: judge then what have been the sufferings of your poor mother, who, you well know, doats (1) on you. Ignorant of what had become of you, whether you were living or dead, she has been in a state bordering on distraction (2), and was near fainting (3) when she saw your letter. I trust you will never more have to reproach yourself with having inflicted such severe sufferings on so tender a mother.

We are ready to receive you, and to hear what you have to say; in the hope of finding you less guilty (4) than we have imagined, and that your future conduct may atone for what you have made us suffer on this occasion.

Your ever affectionate father.

LETTER LI.

From an Englishman residing in France, to a relation at

London.

Dear uncle,

Paris, August 6th, 1842.

I recollect that when I was in the habit of visiting France and making only short stays (5), all my acquain

(1) To doat ou dote on, v. n., aimer ardemment: on ne s'en sert que pour les personnes.

(2) Distraction, folie, délire; le mot français distraction se dit dans l'acception ordinaire, inattention ou carelessness.

(3) To faint, s'évanouir, tomber en défaillance; on y ajoute quelquefois away. (4) Guilty, adj., coupable; de guilt, crime. Beaucoup de substantifs se changent en adjectifs en y ajoutant ty, ou y seulement quand le substantif finit par un t. Ex. Weight, s., poids: weighty, adj., pesant; might, mighty. Il y a aussi des adjectifs qui deviennent substantifs par l'addition de ty: Novel, nouveau; novelty, s., nouveauté. Voyez les articles Terminaisons des noms et des adjectifs, dans ma Grammaire pratique.

(5) Stay, s., séjour; de to stay, v. n., rester, demeurer. To dwell, v. n., demeurer, indique la résidence: I dwell in the same house as my brother.

To live, v. n., vivre, demeurer, s'emploie pour désigner l'endroit où l'on demeure: I live in London, je demeure (je vis) à Londres.

vous, beaucoup souffert, et n'avez pas eu de repos depuis que vous nous avez quittés. Vous qui savez combien elle vous chérit, jugez donc des angoisses de votre pauvre mère, qui ignorait ce que vous étiez devenu, si vous viviez encore ou non; elle a été dans une espèce de délire, et s'est presque trouvée mal à la vue de votre lettre. J'espère que vous n'aurez plus désormais à vous reprocher d'avoir causé tant de chagrins à une mère aussi tendre.

Nous sommes prêts à vous recevoir, et à entendre tout ce que vous aurez à dire, dans l'espoir de vous trouver moins coupable que nous ne vous croyons (1), et que votre conduite future puisse nous dédommager (2) de ce que nous avons souffert par votre conduite passée.

Votre, etc..

LETTRE LI.

D'un Anglais demeurant en France à un de ses parents à Londres.

Mon cher oncle,

Paris, le 6 août 1842.

Je me rappelle que (3), dans le temps où j'avais l'habitude d'aller en France, et de n'y faire que de courts séjours, toutes les personnes de ma connaissance me demandaient,

(1) Dans l'espoir de vous trouver moins coupable que nous ne vous croyons (sousentendu l'être), que nous ne vous croyons l'être, pour ne pas répéter coupable; car dans ce cas on ne peut pas dire: Que nous ne vous le croyons; tandis que l'on peut dire: Moins coupable (ou coupables) que vous ne L'étes; plus coupables que nous ne

LE sommes.

(2) Dans l'anglais, il y a atone for, qui signifie dédommager, mais purement dans un sens moral; on pourrait aussi dire, to make amends for, faire l'amende de. Ex. I will make you amends for all the losses you have experienced ; je vous dédommagerai de toutes les pertes que vous avez faites.

(3) Je me rappelle que dans le temps où, ou bien : Je me rappelle le temps où, et non pas, je me rappelle du temps que, ou du temps où..... car on ne dit pas je me rappelle de cela, je m'en rappelle (me pour à moi); à moi et de ce'a étant deux régimes indirects, le second ne doit jamais accompagner un verbe actif. Ex. analysé: Je m'en rappelle, ou : Je me rappelle de cela (je, sujet; m' ou me pour à moi, objet ou régime indirect; rappelle, verbe, exprimant l'action faite par le sujet je; en ou de cela, autre objet indirect, ou régime, lequel, en bon français, ne doit pas

tance (1) were desirous at my return to hear my opinion of France and of the French. I thought then, and am convinced now, that it is not from persons who occasionally (2) visit a country, and stay some weeks, or even months, that one should expect a correct, or an impartial account of a country or of a people.

Many persons, and particularly a certain class of my own countrymen (3), leave their shores with a determination to be displeased with every thing that differs from old England. They arrive in France with their heads (4) full of ridiculous prejudices, they find nothing good, they behave with rudeness, which the French, in general, are very far from returning; and after staying a few weeks, spending a great deal (5) of money, making themselves very ridiculous, and (if the French were to judge by them only) disgracing their country, they return with their heads as empty, and their pockets, much more so, than when they left England.

Is it of such persons we should ask an opinion of the country and people they have visited? Should we say, "The French are cheats, I know it because my friend Mr Bull has been to Paris, and they cheated him? There is no commerce, for Mr Bull assures me (6) he did not see one ship on the river, and that all their trade consists in wine, charcoal, wood, and building-stone, because he saw nothing else on the wharfs?"

(1) Acquaintance, connaissances, en parlant de personnes; dans l'autre acception on dit knowledge, qui n'a pas de pluriel en anglais. Ex. If you had more knowledge you would have fewer acquaintances, si vous aviez plus de connaissances (intellectuelles), vous auriez moins de connaissances (personnelles).

(2) Occasionally, de temps en temps, par occasion.

(3) Countrymen, s., pl. de countryman, compatriote, composé de country et de man. Lorsqu'il est précédé de l'article indéfini a, il signifie paysan. Ex. He is a countryman, c'est un paysan; countrywoman, paysanne.

(4) Heads, s. pl., têtes. En parlant de plusieurs personnes, il faut mettre au pluriel le substantif dont chacun est possesseur. Ainsi on dit en anglais, their heads, their lives, their hearts, leurs têtes, leurs vies, leurs cœurs; their pockets, leurs poches. Ex. The Turks took a hundred prisoners and cut off all their heads, les Turcs firent cent prisonniers et leur coupèrent la tête.

(5) A great deal, mot à mot une grande quantité, beaucoup; cette expression ne se rapporte qu'à un nom au singulier.

(6) That, conj., sous-entendu. Il n'est pas nécessaire de répéter la conjonction and devant chaque substantif.

à mon retour, quelle était mon opinion sur la France et sur les Français. Je croyais alors, et suis à présent convaincu, que ce n'est pas de personnes qui visitent par hasard un pays, et qui y passent seulement quelques semaines ou même quelques mois, qu'on doit attendre une opinion juste ou impartiale sur un pays ou sur ses habitants.

Beaucoup de personnes, et surtout une certaine classe de mes compatriotes, quittent leur île avec la résolution de se fâcher contre tout ce qui ne ressemble pas à la vieille Angleterre. Ils arrivent en France, la tête remplie de préjugés, et le cœur plein de préventions. Ils ne trouvent rien de bon; ils se conduisent avec rudesse, quoique les Français soient ordinairement bien loin de rendre la pareille; or, après un séjour de quelques semaines et après avoir dépensé beaucoup d'argent (1), ils n'ont fait que se rendre ridicules, et déshonorer leur pays, si les Français nous jugeaient par cet échantillon. Ils retournent chez eux, la tête aussi vide, et les poches bien plus, qu'à leur départ d'Angleterre.

Est-ce donc à ces sortes de gens qu'on doit s'en rapporter à l'égard du pays ou du peuple qu'ils viennent visiter? Doit-on dire, par exemple: « Les Français sont des fourbes, je le sais, parce que mon ami Bull a été à Paris, et qu'on l'y a volé (2)? Il n'y a pas de commerce, car M. Bull m'assure qu'il n'a pas vu un seul vaisseau sur la rivière, et que leur trafic consiste en vin, en charbon de bois en bois à brûler et en pierres de taille, parce qu'il n'a rien vu que cela sur les quais de la rivière? »

être exprimé ainsi, mais par cela sans de (je rappelle à moi cela). Je m'en rappelle, ou je me rappelle de cela, locutions toutes deux vicieuses; il faut dire : Je me rappelle cela, ou je me le rappelle. Quand on dit je me souviens de vous, au lieu de je me rappelle de nous, qui n'est pas français, me est au régime direct, et vous qui suit peut être précédé de de. D'ailleurs dit-on: Je prends la liberté de vous rappeler de cette affaire?... ôtez ce de, et vous aurez de rappeler à vous cette affaire: or vous est donc, comme me, un objet indirect, et cette affaire un régime direct. De ne peut donc suivre le verbe rappeler que lorsqu'un infinitif en est le complément : Je me rappelle d'avoir vu..., ou lorsque de ou des signifie quelques, plusieurs, et cesse en ce cas d'être préposition. Ex. Je me rappelle de singulières choses; nous nous rappelons des choses bien singulières. (Voyez le Dictionnaire de l'Académie, 6e édition.)

(1) Argent se dit silver en anglais, en parlant du métal.

(2) Nous avons en anglais trois manières de rendre le verbe voler, savoir: To steal, to rob et to fly; le premier signifie voler quelque chose, le deuxième signifie voler quelqu'un, et le troisième signifie voler avec des ailes.

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