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LETTRE LX.

D'un jeune homme à son frère, lors de son arrivée à New-York.

New-York, 6 juin 1842.

Mon cher Samuel,

Après un ennuyeux voyage de trente-six jours, me voilà (1) enfin arrivé ici sain et sauf. Durant la première partie du voyage, je fus neuf à dix jours à souffrir beaucoup du mal de mer; mais le capitaine a été très-bon pour moi, et a beaucoup contribué à me consoler. Cependant, mon cher frère, quelle différence n'ai-je pas trouvée en toute chose depuis que j'ai quitté la maison paternelle (2)! Je suis parfaitement convaincu qu'on ne sait jamais assez apprécier les tendres soins et les sollicitudes de ses parents, avant que d'en (3) être privé.

J'ai été bien reçu par les personnes à qui j'étais recommandé; mais, à l'exception d'une, et d'une seulement, toutes me firent sentir (4) combien j'étais loin de chez moi. L'accueil que l'on me fit chez M. W*** fut vraiment paternel, et je suis convaincu qu'il fera tout son possible pour seconder mes vues. Par ce vaisseau j'écris aussi à mon cher père, et

(1) Me voilà. Voici et voilà sont des prépositions composées de vois ou voyez, impératifs du verbe voir, et de ici et là, adverbes de lieu; voici se dit des objets les plus proches, et voilà, des plus éloignés; me voilà veut donc dire vois moi là.

(2) Les Anglais emploient plutôt l'expression paternal roof. toit paternel.

(3) Je suis parfaitement convaincu qu'on ne sait jamais assez apprécier les tendres soins et les sollicitudes de ses parents, avant que d'EN étre privé. Il est de mauvais goût d'employer en comme pronom relatif pour les personnes; aussi signifie-t-il ici des tendres soins et des sollicitudes de ses parents, et non des parents (avant que d'être privé des tendres soins et des sollicitudes de ses parents).

(4) Sentir, quand il se rapporte à l'odorat, se dit en anglais to smell; mais, quand il indique sensibilité, on le rend par to feel.

to my dear father by this vessel, and in his letter you will find some further information. Adieu, God bless you!

Your affectionate brother.

P. S. I will write again to you as soon as I am settled, and I hope to be able to give you some better news, for I rely very much on the promises of Mr. W—.

LETTER LXI.

Another letter from the same.

My very dear father,

New-York, Aug. 10th, 1842.

I am happy to inform you that, since my last letter, circumstances have taken a favourable turn, and that I now find myself much more comfortable than (1) I expected.

Mr. W-who, as I told you in my letter of June, received me so kindly, has taken me into his counting-house to manage his French correspondence. He gives me a very liberal salary, and I board with the family. I am promised (2) also an increase of salary every year, if I conduct myself properly. Believe me, dear father, no endeavours shall be wanting on my part to merit his favours; he places the greatest confidence in me, and I am resolved never to violate it (5). I am quite (4) rejoiced to have such good

(1) Nous avons déjà dit qu'après le comparatif de supériorité et d'infériorité on met than pour le que français, et as pour la simple comparaison. Ex. You are richer than I; he is as rich as you (vous êtes plus riche que moi, il est aussi riche que vous): am et are sont sous-entendus à la fin de ces deux phrases.

(2) I am promised, tournure passive, au lieu de celle active; on peut dire aussi he has ou they have promised me, il m'a ou on m'a promis.

(3) It, pronom à la troisième personne neutre. Ex. It rains, il pleut; it is true, c'est vrai,

(4) Quite, adv., tout à fait; il ne faut pas le confondre avec quiet, adj., qui signifie tranquille.

dans sa lettre vous trouverez de plus amples détails. Que Dieu vous bénisse!

Votre affectionné frère.

P. S. Je vous écrirai encore aussitôt que je serai établi, et j'espère pouvoir vous donner de meilleures nouvelles, car je compte beaucoup sur les promesses de M. W***.

LETTRE LXI.

Autre lettre du même.

New-York, 10 août 1842.

Mon très-cher père,

Je suis charmé (1) de vous apprendre que depuis ma dernière lettre les choses semblent avoir changé de face pour moi, et qu'à présent je me trouve beaucoup mieux que je ne m'y attendais.

M. W***, qui me fit un accueil aimable, comme je vous l'ai dit dans ma lettre de juin, m'a pris dans sa maison pour tenir sa correspondance française. Il me donne de bons appointements et je mange avec sa famille. Il me promet une augmentation chaque année, pourvu que (2) je me conduise comme il faut. Croyez-moi, mon cher père, je ne manquerai pas de faire tout ce qui dépendra de moi pour mériter sa bienveillance; il a la plus grande confiance en moi, et je suis résolu de ne jamais en abuser. Je suis en

(1) Je suis charmé de vous apprendre que depuis ma dernière lettre... Le verbe charmer, employé passivement (étre charmé, to be overjoyed), est une expression hyperbolique en français, qui ordinairement ne se rend pas en anglais par le même verbe (to be charmed), lequel signifierait être ensorcelé (bewitched). On s'en sert quelquefois pour exprimer un fort sentiment de plaisir.

(2) Pourvu que se rend en anglais par la conjonction if, ou par provided that.

news to communicate, because I know it will give you great pleasure. Write to me, my dear father, as often as possible; on my part I will neglect no opportunity of writing to you. Give my love to all friends, and believe me

Your dutiful and affectionate son.

P. S. Mr. W-, my employer, has just mentioned to me that he shall shortly want a copying clerk, and having heard me speak of my brother, asked me if I thought he would like the situation. I told him I would mention it to you in my letter. I think it is a good opportunity for William, if he has no objection to leaving England. You will have the goodness to tell me in your next, which I shall expect with anxiety, as it would be a great pleasure to have my brother in the same counting-house (1) with me.

LETTER LXII.

A proposal to a friend, to exchange sons for a time.

My very dear Madam,

Paris, Aug. 19th, 1842.

I have a proposition to make you, which, though it may, at first, appear rather (2) singular, will offer mutual advantage. We have each a son, nearly of the same age; mine, as you know, has made considerable progress in the

(1) Counting-house, bureau, comptoir. Le mot français bureau se dit office en parlant des bureaux publics du gouvernement.

(2) Rather, adv. On s'en sert maintenant dans le sens de un peu; mais sa véritable signification est plutôt; c'est le comparatif de rath, adj., hâtiť, dont on ne se sert plus. Rather singular, dans la phrase ci-dessus, signifie platôt singulier que ordinaire, to have rather, aimer mieux. Ex. I had rather ou I would rather stuy at home, than go out.

chanté (1) d'avoir à vous faire part d'une aussi bonne nouvelle, parce que je sais que cela vous fera grand plaisir. Écrivez-moi, mon cher père, aussi souvent qu'il sera possible; de mon côté je ne manquerai (2) aucune occasion d'en faire autant. Mille choses à tous nos amis, et croyezmoi

Votre respectueux et affectionné fils.

P. S. M. W*** (mon patron) vient de me dire que sous peu il aura besoin d'un commis expéditionnaire (copiste), et m'ayant entendu parler de mon frère, il m'a demandé si je pensais qu'il aimerait cette place. Je lui ai répondu que je vous en parlerais dans cette lettre. Je crois que c'est une bonne occasion pour Guillaume, s'il n'a aucune répugnance à quitter l'Angleterre. Vous aurez la bonté de me fixer à ce sujet dans votre réponse, que j'attends avec anxiété; car ce me serait un grand plaisir que d'avoir mon frère dans la même maison que moi.

LETTRE LXII.

Proposition d'une dame à une amie pour l'échange réciproque de leurs fils pendant quelque temps.

Ma très-chère dame,

Paris, 19 août 1842.

J'ai une proposition à vous faire, qui, bien qu'elle (3) puisse vous paraître un peu extraordinaire, ne manquera pas de nous offrir des avantages mutuels. Nous avons chacune un fils à peu près du même âge; le mien a, comme

(1) Je suis enchanté. Le verbe enchanter s'emploie passivement en anglais plus volontiers que charmer, pour dire être ravi de joie; mais il se prend ensuite dans Je sens d'ensorceler, employé activement, et d'être ensorcelé, au passif (to be enchanted). On dit plus souvent to be delighted.

(2) Je ne manquerai aucune occasion. Ici le verbe manquer est actif, parce qu'il agit sur un objet (occasion), lequel est direct.

(5) Qui, bien qu'elle... par euphonie, afin de ne pas employer cette tournure:

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