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LETTRE IX.

Milady Montague (1) à milady Rich.

Cologne, 16 août 1716.

Si milady Rich pouvait se former une idée des fatigues que j'ai souffertes depuis deux jours, je suis sûre qu'elle considérerait comme une grande preuve de mon estime le courage que je trouve pour lui écrire en ce moment. Nous louâmes des chevaux à N*** pour venir ici, parce qu'il n'y a pas de poste, et nous fûmes très-mal logés à Reinberg, où nous nous sommes arrêtés (2). Ce n'est cependant rien en comparaison de ce que je souffris hier. Nous nous flattions d'arriver à Cologne; mais nos chevaux ne purent passer Stamel, qui (3) en est à trois lieues, et où je fus obligée de passer la nuit sans me déshabiller : encore futce plutôt dans une étable que dans une chambre; car, bien que j'aie un lit portatif avec moi, je ne jugeai pas à propos (4) de me coucher dans un endroit où le vent nous assiégeait de tous côtés. Nous quittâmes ce logement désagréable dès le point du jour; et à six heures, ce matin, nous sommes arrivés ici, où je me couchai sur-le-champ, et j'ai dormi si bien pendant trois heures, qu'à mon réveil je me trouvai parfaitement remise, et assez forte pour aller voir

(1) Lady Montague, femme de l'ambassadeur anglais à Constantinople en 1717. C'est en Turquie qu'elle vit pratiquer pour la première fois l'inoculation, et à son retour en Angleterre elle l'introduisit avec les plus heureux succès dans ce pays. Elle a laissé trois volumes de lettres et quelques poésies.

(2) Nous nous sommes arrêtés, part. Les verbes réfléchis, réciproques, pronominaux, ne doivent pas augmenter la difficulté dans la règle des participes. Qui est-ce qui a été arrêté? nous; nous précède le participe passé, ainsi il y a accord. Le verbe s'arrêter n'est pas pronominal en anglais; il y a plusieurs verbes qui sont essentiellement pronominaux en français et qui ne peuvent l'être en anglais, parce qu'ils sont neutres. Voyez ma Grammaire.

(3) Qui en est à trois lieues; en est ici pour de là.

(4) A propos. Cette façon adverbiale de parler s'écrit sans trait d'union. Ex. A propos de rien, sans aucun rapport à ce qui précède, sans sujet. Mais quand il devient substantif il prend un trait d'union. Ex. Le grand mérite de ce qu'il dit tient à l'à-propos.

which is the neatest, was shewed (1) me in a very complaisant manner by a handsome young Jesuit, who, not knowing who I was, took a liberty in his compliments and railleries which very much diverted me.

Having never before seen any thing of the kind (2), I could not enough admire the magnificence of the altars, the rich images of the saints, all in massy silver, and the enchassures of the relicks; but I must reserve a more minute (3) description for my next letter, as I am just going to supper, where I shall drink your health in an admirable sort of Lorrain wine, which I am sure is the same you call Burgundy in London.

LETTER X.

Lord Byron to T. Moore, Esq.

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Ravenna, October 17th, 1820.

You owe me two letters, - pay them. I want to know what you are about (4). The summer is over, and you will be back to Paris. A propos of Paris, it was not Sophia Gail, but Sophia Gay, the English word Gay — who was my correspondent. Can you tell who she is?

(1) Shewed est ici mal employé; le participe est shewn ou shown.

(2) Le mot kind est employé en anglais comme substantif et comme adjectif; dans la première acception il signifie genre, espèce, race; employé comme adjectif il a le sens de bon, bienfaisant, obligeant.

(3) Le mot minute dans le sens de minutieux, exact, détaillé, se prononce mainioute; mais le substantif minute, soixantième partie d'une heure, d'un degré, doit être prononcé minitte.

(4) To be about, être occupé de; to be about, suivi d'un verbe, signifie être sur le point de.

tout ce qu'il y avait de curieux dans la ville, c'est-à-dire les églises, car il n'y a que cela qui soit (1) digne d'être vu. Cette ville est très-grande; mais la plupart des édifices sont d'ancienne construction. L'église des Jésuites, qui est la plus propre, nous a été montrée (2) par un jeune jésuite, beau garçon qui, ne me connaissant pas, a pris la liberté de me faire quelques compliments railleurs dont je me suis beaucoup divertie.

N'ayant jamais rien vu de ce genre, je ne pouvais assez admirer la magnificence des autels, les châsses et les magnifiques statues des saints, toutes en argent massif; mais il faut que je réserve pour ma prochaine lettre une description plus détaillée, car le souper m'attend, et je boirai à votre santé d'excellent vin de Lorraine, qui est, j'en suis sûre, le même qu'on appelle du bourgogne à Londres.

LETTRE X.

Lord Byron à T. Moore, Esq.

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Ravenne, le 17 octobre 1820.

Vous me devez deux lettres..., payez-les-moi. Il me tarde de savoir à quoi vous vous occupez. Voilà l'été qui tire à sa fin, et vous retournerez sans doute bientôt à Paris... A propos de Paris, ce n'était pas Sophie Gail, mais Sophie Gay, le mot anglais Gay, qui était ma correspondante. Pourriezvous me dire quelle est cette demoiselle?

(1) Nous ne saurions trop recommander aux étrangers de bien étudier l'emploi du mode subjonctif en français; l'élégance du style en dépend beaucoup.

(2) Il faut remarquer qu'en anglais on n'emploie pas le passé indéfini en parlant d'une action faite et terminée dans un temps dont il ne reste plus rien; dans ce eas, il faut employer le prétérit défini, ou plus-que-parfait.

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Have you gone on with your poem? I have received the French of mine. Only think of being traduced (1) into a foreign language, in such an abominable travesty! It is useless to rail (2), but one can't help it. - I can't say any thing to you about Italy, for the government here look upon me with a suspicious eye, as I am well informed. Pretty fellows! As if I, a solitary stranger, could do any mischief. It is because I am fond of rifle (3) and pistol shooting, I believe; for they took alarm at the quantity of cartridges I consumed, the wiseacres !

-

You don't deserve a long letter

nor a letter at all

for your silence. If you don't write soon, I will make you

a speech.

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I have just been honoured with your letter. I feel sorry that you should have thought it worth while to notice the evil works of my nonage, as the thing (4) is suppressed voluntarily, and your explanation is too kind not to give me pain. The satire was written when I was very young and

(1) Le verbe to traduce n'est guère usité à présent que dans le sens de calomnier, traduire en ridicule. Byron, en voyant la faiblesse et la platitude des traductions de ses ouvrages, et les contre-sens qui y abondent, n'a pu s'empêcher de faire un calembour sur la ressemblance des mots traduce et traduire.

(2) To rail, se plaindre hautement, gronder, faire des reproches.

(3) Rifle, carabine dont le canon est carabiné; fusil à balle forcée.

(4) C'était une satire dans laquelle lord Byron n'avait pas ménagé Walter Scott.

Comment va votre poëme? J'ai reçu la traduction en français du mien. Imaginez donc (traduced) (1) traduit en langue étrangère! quel abominable travestissement! C'est inutile de m'en plaindre (2), mais je ne peux m'en empêcher... Je ne puis rien vous dire sur l'Italie, car le gouvernement de ce pays me regarde de très-mauvais œil, à ce qu'on me dit. Les nigauds! comme si un étranger isolé comme moi pouvait leur faire du mal. Ils ont peur de moi, je crois, parce que je m'amuse à tirer au pistolet et à la carabine, et le grand nombre de cartouches dont je fais consommation leur a fait peur... les niais!

Vous ne méritez pas que je vous donne une longue lettre, pas même une lettre du tout, à cause de votre silence. Si vous ne m'écrivez pas bientôt, je vous ferai un

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Je viens d'avoir l'honneur de recevoir votre lettre je suis fâché que vous ayez cru devoir faire la moindre attention aux méchants ouvrages de ma jeunesse, puisque j'ai supprimé tout cela volontairement (3); votre explication est pleine de trop de bienveillance pour ne pas m'avoir fait

(1) Voyez la note 1 de la partie anglaise en regard, et remarquez la différence entre to traduce et to translate.

(2) Le verbe pronominal se plaindre se dit en anglais to complain; le verbe actif plaindre, avoir pitié, se dit to pity. Ex. Il se plaint, mais je ne le plains pas, he complains, but I don't pity him.

(5) Lord Byron se repentit d'avoir écrit la satire, et la fit supprimer; elle a été cependant réimprimée et se trouve dans les œuvres complètes de Byron et dans quelques traductions.

CORRESPONDANCE.

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